Le Trouble du Spectre Autistique
synthèse du dossier consacré à l'autisme dans Sciences Humaines n°325S (mai 2020)
Selon le DSM-5 (2013), pour être considérée comme autiste, une personne doit présenter des symptômes dans 2 domaines :
*les interactions sociales et la communication (ex: absence de regard, retard de langage)
*les comportements, activités et intérêts restreints et répétitifs (ex: stéréotypies motrices)
Ces troubles doivent présenter un réel handicap dans la vie de tous les jours.
C'est une approche unifiée (plus de catégorie de type syndrome d'Asperger), comportant 3 niveaux de gravité: léger, modéré, sévère. Le niveau est défini suivant la nature de l'aide requise pour vivre de façon autonome.
De TED à TSA
Le DSM-3 (1980) évoque les Trouble Envahissants du Développement qui comportaient des sous-catégories. Néanmoins, les diagnostics de TED étant le plus souvent non-spécifiés, les chercheurs ont choisi de réunir ces troubles sous un même terme: le spectre autistique. Cette notion est considérée par certains chercheurs comme trop large car réunissant des personnes aux profils très différents.
Hypothèses explicatives
Pour les psychanalystes, il se produit un blocage dans le développement psycho-affectif mais ce schéma n'en explique pas l'origine. Les comportements parentaux, maternels en particulier avec Bettelheim, ont pu être incriminés mais cette vision des choses est dépassée. Dans les années 1980, la psychologie cognitive a proposé l'hypothèse d'une incapacité à se mettre à la place des autres, sans identifier la cause de cette carence. Depuis la fin du 20e siècle, les chercheurs s'intéressent donc aux facteurs physiologiques. Un TSA pourrait résulter d'une structure différente du cerveau, en particulier du cervelet. Le cerveau des personnes ayant un TSA analyseraient mieux les stimuli statiques (comme dans la réalisation d'un puzzle ou de certains calculs), d'où une difficulté à comprendre ce qui bouge ou change rapidement dans un environnement. Ces approches neurodéveloppementales n'identifient pas la cause première de l'autisme. C'est pourquoi aujourd'hui des recherches portent sur le poids des facteurs génétiques. Si des configurations particulières du génome semblent favoriser le développement de certains troubles psychiques, les recherches ne révèlent cependant pas un "code génétique de l'autisme" mais un simple jeu de probabilités accrues : "des individus peuvent être porteurs de gènes supposés prédisposer à l'autisme et ne pas développer de TSA; il arrive d'ailleurs fréquemment chez les jumeaux monozygotes - c'est-à-dire ayant un même génome - que l'un ait un autisme et l'autre non.". L'environnement pourrait lui aussi jouer un rôle (facteurs épigénétiques: qui modifient l'expression des gènes), notamment pendant la grossesse (une infection virale peut favoriser le développement d'un autisme). Des recherches essayent de mesurer l'impact de substances comme l'alcool, le tabac ou les pesticides sur le développement du fœtus. Les corrélations restent cependant difficiles à établir. D'autres facteurs exogènes sont mis en avant comme l'âge du père: statistiquement, un père de plus de 40 ans a plus de probabilité de faire un enfant ayant un autisme.
Il importe d'être vigilant face au biais statistique qui existe: le nombre de cas réels n'a probablement pas changé mais les diagnostics sont plus nombreux car l'autisme est mieux connu aujourd'hui et sa définition a été élargie. L'idée selon laquelle la pollution ou certains vaccins pourraient être en cause est à remettre en question: l'effet des pesticides par exemple est en réalité difficile à établir et il paraît peu probable qu'un vaccin déclenche l'autisme dans la mesure où l'autisme ne semble pas pouvoir apparaître après la naissance. En revanche la prise de certains médicaments durant la grossesse a pu être mise en cause par certaines études.
Aucune cause ne permet à elle seule d'expliquer l'autisme qui semble dépendre d'une combinaison de facteurs et d'un effet cocktail :"lorsque ces conditions sont réunies, chacune a un degré différent, un autisme pourrait se développer". Ainsi, les explications multifactorielles, faisant la part belle à la biologie, tendent à supplanter les hypothèses purement psychologiques.
Neurodiversité
Le dossier comporte un article sur un concept venu des États-Unis dans les années 90, la "neurodiversité". On défend l'idée que l'autisme est un profil neurobiologique parmi d'autres et pas un handicap. Le profil cognitif d'une personne serait une différence au même titre que le sexe ou la couleur de peau. Ce mouvement résulte de l'élargissement des critères de définition du TSA aux personne ayant des difficultés à interagir avec les autres mais autonome par ailleurs. Il suscite des débats, et reste assez marginal en France. D'abord parce qu'il est le plus souvent porté par des personnes autistes de haut niveau. Or de nombreuses formes d'autisme en sont éloignées. Pour certaines associations de famille, les intérêts des personnes autistes ne seront pas bien défendus sous cet angle car cela pose la question des aides financières publiques: si les personnes autistes ne sont pas reconnues comme handicapées, pourquoi doivent-elle bénéficier d'un accompagnement spécifique? Les partisans de la neurodiversité s'opposent aux recherches visant à "guérir l'autisme". C'est aussi la question du l'opposition entre le normal et le pathologique.
Diagnostic
Il est primordial que ce trouble soit repéré au plus tôt. Depuis février 2019, les médecins peuvent réaliser une "consultation primaire dédiée" en s'appuyant sur des questions scientifiquement validées. En fonction, le médecin oriente vers une structure de diagnostic où plusieurs consultations sont nécessaires dont une évaluation des capacités de relation à partir de tests et questionnaires standardisés comme l'ADOS 2* (Autism Diagnostic Observation Schedule) qui est la référence internationale. Les séances sont filmées derrière un miroir sans tain, ce qui permet d'établir un score. Le bilan comprend par ailleurs un examen neuropsychologique pour évaluer l'intelligence de l'enfant, un bilan des capacités sensori-motrices et un bilan orthophonique. L'objectif est de dresser le profil de l'enfant et de proposer les interventions les plus adaptées à son cas.
Comment aider les enfants autistes?
Parmi les approches plus utilisées, celle de Ivar Lovaas, appelée méthode ABA (Applied Behavior Analysis) qui consiste à développer chez l'enfant les comportements appropriés par le biais de procédures d'apprentissage intensif. Egalement, la méthode TEACCH qui consiste à structurer l'environnement de l'enfant pour lui rendre le monde plus compréhensible. Aucune méthode ne fait l'unanimité. La Haute Autorité de Santé a procédé à une évaluation de ces méthodes: aucune d'entre elle ne peut bénéficier d'un "label" de preuve scientifique établie. On ne peut être sûr en choisissant telle méthode ou en combinant plusieurs méthodes que les objectifs visés seront atteints. Il existe par ailleurs des approches innovantes comme la stimulation transcrânienne (stimulation de certains groupes de neurones pour établir de nouvelles connexions), la modification de la flore intestinale, l'inhalation d'ocytocine (hormone qui joue un rôle dans les émotions. administrée sous forme de spray pour favoriser de meilleures interactions sociales), notamment.
Prise en charge précoce et déficience intellectuelle
Aujourd'hui, deux grands facteurs de pronostic sont identifiés dont la prise en charge précoce. Depuis 2012, il est possible de déceler les trajectoires atypiques dès 12 mois ce qui permet de mettre en place des soins en attendant la confirmation du diagnostic à partir de 24 mois. Le second critère est le niveau intellectuel: les enfants autistes sans déficience évoluent bien sur le plan de l'intégration sociale. En cas de déficience intellectuelle sévère, les possibilités de progrès semblent limitées.
Inclusion scolaire
Les recommandations thérapeutiques insistent sur l'importance de l'inclusion pour permettre le développement des habiletés sociales. De ce point de vue, il existe une disparité entre les handicaps. Les élèves avec un TSA sont par exemple plus nombreux, parmi les enfants handicapés, à avoir une scolarisation à temps partiel seulement. A 12 ans, 82% d'entre eux ont déjà redoublé, contre 77% pour les autres handicaps. Une hypothèse explicative porte sur le fait qu'il existe une grande rigidité dans la forme scolaire française qui fait de la posture d'élève, calme et discipliné un préalable à tout apprentissage. Plus les enfants présentent des troubles du comportement externalisés, plus ils sont orientés vers l'enseignement spécialisé. Ce phénomène est renforcé par le sentiment d'inefficacité éprouvé par les enseignants dans la mesure où ce handicap impacte les fondements même de leur métier qui nécessite d'entrer en contact avec les élèves et d'interagir avec eux. Par ailleurs, les écoles ne sont souvent pas des environnement adaptés à ces enfants (niveau élevé de stimulations sensorielles, omniprésence des interactions sociales...). Cela ne doit cependant pas amener à abandonner l'idéal inclusif car l'impact de la scolarisation en milieu ordinaire est avéré. Une dynamique de changement est amorcée avec la concertation Ensemble pour l'école inclusive et les projets de création d'Unités d'Enseignement en Maternelle autisme, plate-forme médicoéducative implantée au cœur de l'école, ainsi que le déploiement des PIAL.
*L'ADOS2 permet d’évaluer les comportements de communication et d’interaction sociale, et ainsi de poser un diagnostic de TSA chez l’enfant dès 12 mois, l’adolescent et l’adulte, à travers des ateliers et des entretiens adaptés à tous les âges de la vie et à tout niveau de développement et de langage. La personne à évaluer est placée dans une situation sociale où elle devra interagir. Les activités permettent d’évaluer la communication, l’interaction sociale réciproque, le jeu et/ou l’utilisation créative d’un matériel, le comportement stéréotypé, les intérêts restreints et d’autres comportements atypiques. L’échelle d’observation est composée de cinq modules. Chaque module possède son propre protocole avec des activités pour des enfants, pour des adolescents ou pour des adultes. Un seul module est administré à une période donnée et le choix se fait en fonction de l’âge chronologique et du niveau d’expression verbale.
Par Marie Risterucci, Psy EN
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