Synthèse d'un article paru dans la revue Sciences Humaines n°321 de janvier 2020, intitulé "L'intelligence, de Jean Piaget aux neurosciences".
Cet article reprend les grandes lignes de la théorie du psychologue Suisse Jean Piaget, aborde la question de la remise en question de cette conception aujourd’hui avec les nouvelles découvertes des sciences cognitives et des neurosciences et souligne l'apport de Piaget.
Le travail de Piaget a consisté à essayer de comprendre la génèse et l'évolution de l'intelligence. Selon Piaget, "la pensée se construit à partir de structures mentales existantes qui vont de perfectionner au fil des interactions avec l'environnement". C'est le constructivisme. Le chercheur a imaginé une méthode clinique d'observation à partie de diverses tâches qu'il propose aux enfants. a partir de ces observations, il en vient à découper le développement intellectuel en trois grands stades. Le stade sensori-moteur jusqu'à deux ans où le bébé est essentiellement dans le "faire" et à l'issu duquel il a commencé à intérioriser certaines opérations, à se représenter les choses en leur absence et à se différencier de son environnement. Entre deux et douze ans, l'enfant accède au stade des opérations concrètes. Il apprend "raisonner non plus à partir de ses propres actions mais à partir d'un raisonnement intérieur". A partir de 12 ans, il accède au stade des opérations formelles et devient capable de raisonner sur des hypothèses. C'est la pensée "hypothético-déductive" qui permet de manier des idées abstraites.
Il y a donc pour Piaget une succession de paliers qui s’effectue toujours dans le même ordre. Mais cette conception est aujourd'hui remise en question. Pour certains chercheurs, la pensée de l'enfant change de manière continue et pas à des moments précis. Pour le psychologue Daniel Kahneman, il existe deux systèmes de raisonnement : la pensée automatique et intuitive et la pensée logico-mathématiques qui demande du recul et de la réflexion. Le psychologue Olivier Houdé ajoute un troisième système qui est l'inhibition: celle-ci empêche la pensée automatique de se mettre en place afin de résister aux logiques intuitives mais erronées. Le développement des neurosciences et de la neuro-imagerie montre que la maturation du cortex préfrontal permet aux raisonnements logiques de s’imposer de plus en plus.
Par ailleurs, il est souligné que pour certains scientifiques aujourd'hui, Piaget a sous-estimé le rôle joué par l'entourage. Pour certains chercheurs en effet, le degré de structuration de l’environnement familial joue un rôle essentiel. Autres idées remises en question: la sous-estimation des variations entre individus et un sommet de développement plus tardif. Piaget estimait que le développement cognitif atteignait son summum vers 14 ans, quand on sait aujourd'hui que le cerveau continue de se perfectionner jusqu'à l'âge de 20-21 ans environ.
Néanmoins, Piaget a eu une influence considérable en pédagogie en mettant en lumière le principe de déconstruire / reconstruire: pour construire de nouvelles connaissances, il faut d'abord déconstruire les anciennes. c'est l'idée d'une construction active des connaissances. La transmission des savoirs est nécessaire mais pas suffisante pour apprendre! Il importe que la personne s'en saisisse.
En conclusion, il est rappelé que Piaget a eu le mérite d'avoir été le premier à proposer un modèle complet du développement de l'intelligence et qu'il fut le précurseur des sciences cognitives.
Par Marie Risterucci, PsyEN