mardi 21 novembre 2017

-Yves Chagnon (2014). Approche clinique des troubles instrumentaux (dysphasie, dyslexie, dyspraxie).



Avec la collaboration de : Joël Croas, Geneviève Djenati, Véronika Taly, Catherine Weismann-Arcache

v  CHAPITRE 1 : approche clinique et psychopathologique des troubles développementaux et instrumentaux

1.       Introduction :

-          Registre des dys : grande complexité / se présente sous formes diverses
-          Difficile de chercher leur origine, ils peuvent s’articuler avec une pathologie psychiatrique qu’il peuvent parfois même déterminer
-          Lorsqu’un enfant va mal, la tentation est grande de s’en remettre (démettre ?) aux mains de spécialistes qui vont permettre « une réparation efficace »
-          Mais on risque d’oublier l’enfant lui-même, en tant que personne qui souffre, désire, s’angoisse, espère etc…
-          2 approches pour aborder les DYS :
-          1) approche épidémiologique, sciences cognitives et neurosciences
2) approche psychodynamique, sciences de l’éducation (troubles apprentissages)
-          Différences de conceptions = différences de traitements, soin psychique, rééducation

2.       Débats, problématiques, conceptions :

-          2 conceptions de la psychologie se font face actuellement :
-          1) psychopathologie : influencée par la psychanalyse, sciences « humaines » (vise moins la réduction des symptômes que la recherche) avec moyens diversifiés : consultations, psychothérapie individuelle, de groupe
-          2) psychologie dites scientifiques : sciences dites « dures » (normalisation grâce à des protocoles cognitivo comportementaux et/ou biologiques standardisés et validés) / génétique, biologique, neuropsychologique et neurosciences (on s’intéresse surtout aux symptômes et aux comportements visibles devenus des troubles, aucune analyse du contexte relationnel, familial et social, qui permettent habituellement de donner du sens).
-          Ex : rapport de l’INSERM (2007) qui parle des troubles instrumentaux (Dys) il traite essentiellement des données cognitives et neuropsychologiques, les données cliniques sont uniquement complémentaires et résumées en 15 lignes dans la synthèse. Dans la conclusion : les dys, sont des troubles spécifiques des apprentissages scolaires dont l’origine est reconnue comme développementale (exclusion d’une origine culturelle, sociale, économique, pédagogique ou psychologique).
-          La conséquence : Idéologie naturaliste qui limite la place de l’autre dans le processus d’apprentissage : idée que le sujet se fait seul, voire est autogendré
-          L’idée serait de faire une approche globale : intégration des 2 théories pouvant expliquer ces troubles : à la fois des facteurs génétiques, le fonctionnement cognitif, la structuration du psychisme et les systèmes familiaux et sociaux => cela permettrait une prise en charge de l’enfant dans sa globalité tant au plan cognitif, qu’au plan de sa relation à son environnement.
-          Les deux démarches et champs de connaissance ne s’excluent pas et sont complémentaires, cela peut même aboutir à une 3ième voie = psychopathologie intégrative.
-          Aujourd’hui : on ne demande pas l’avis des psychologues, même si c’est pour écarter des troubles psychopathologiques. C’est un phénomène unique en médecine (ex : douleurs dans la poitrine, le généraliste l’envoie chez le cardiologue, le pneumologue et n’écarte personne, si c’était le cas on trouverait cela aberrant). Ici, seuls les orthophonistes sont reconnus comme compétents. Ils sont formés à la neuropsychologie et doivent assurer le rôle de rééducateurs.
-          Ils ne nient pas l’intérêt de la neuropsychologie et que les dys puissent être d’ordre génétique, ils critiquent la méconnaissance la psychopathologie clinique. Selon eux la psychopathologie ne doit pas être isolée de la dimension cognitive. Il s’agit d’avoir une approche thérapeutique multi-axiale.
-          Conception neuropsychologique très en vogue après certains de parents et enseignants = déresponsabilisation (ex : apprentissage de la lecture, implique une relation entre un apprenti et un maître d’apprentissage / comment l’apprentissage pourrait être indépendant de l’environnement ?)
-          Ce refus de la transmission par l’autre interroge : déni des parents ? ils arrivent avec des diagnostics préétabli tout en niant la souffrance de leur enfant.
-          Le public est davantage attiré aujourd’hui par l’espoir de solutions magiques et toutes puissantes « au bénéfice d’intérêts financiers et politiques effectivement puissants », que par la prise en compte de la dimension relationnelle et éducative.

3.       Dénominations, définitions, classification et enjeux :

-          Les troubles « dys » sont dénommés différemment selon les classifications médicales, mais ils apparaissent tous à la rubrique des « troubles du développement »

3.1    Qu’est-ce qu’un trouble du développement ?

-          Trouble du développement (selon la CIM-10): a) un début obligatoirement dans la première ou la seconde enfance ; b) une altération ou un retard du développement de fonctions étroitement liées à la maturation biologique du système nerveux central ; et c) une évolution continue sans rémissions ni rechutes. Dans la plupart des cas, les fonctions atteintes concernent le langage, le repérage visuospatial et la coordination motrice. Habituellement, le retard ou le déficit était présent dès qu’il pouvait être mis en évidence avec certitude et il diminue progressivement avec l’âge (des déficits légers peuvent toutefois persister à l’âge adulte) ».

3.2    Qu’est-ce qu’un trouble spécifique ?

-          Troubles spécifique : qui ne peut s’expliquer que par une cause évidente

3.3     Que signifie troubles instrumentaux ?

-          Troubles Instrumentaux : troubles des fonctions instrumentales (fonctions intellectuelles, langagières et psychomotrices, dont l’investissement affectif compte autant que l’équipement neurobiologique).

4.       Approche psychopathologique des troubles instrumentaux :
4.3 L’approche psychopathologique francophone des troubles cognitifs et instrumentaux
-          Par exemple l’apprentissage de la lecture peut être perturbé si l’enfant ne maîtrise pas encore suffisamment l’orientation spatiale : le problème pédagogique concerne alors le décalage entre le développement de cette fonction et des exigences scolaires prématurées.
-          L’erreur serait de penser que ces altérations cognitives seraient indépendantes du développement psychoaffectif et inversement certains psychanalystes méconnaissent encore souvent le poids de la cognition dans la maîtrise de la vie psychique.
-          Aujourd’hui il faut reconnaître qu’il y a une interaction entre la cognition et l’affectivité.
-          Par ailleurs une participation relationnelle dans la genèse ou la pérennisation d’un trouble n’implique nullement une culpabilisation des parents qui n’ont souvent pas besoin des cliniciens pour se sentir coupables.
-          Il faut chercher comment ça dysfonctionne et non pas pourquoi.

Ø  Les illustrations cliniques : 3 chapitres sur 3 troubles : dysphasie, dyslexie et dyspraxie (cas enfant et adolescent)
Ø  Résultats présentés de manière détaillé => travail du clinicien
Ø  Discussion diagnostique / proposition thérapeutique
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v  CHAPITRE  2 : La dysphasie

1.       Définition du trouble 

1.1    Le concept de dysphasie proposé par Ajuriaguerra 

-          Dysphasique : les enfants dont l’évolution du langage pose problème, avec une compréhension orale souvent altérée et une expression orale marquée par un trouble majeur de la parole
-          Rapports étroits entre le langage et la vie psychique
-          Spécialistes du langage mais aussi ceux du champ de la psychopathologie

1.2    « Specific Language Impairement » pour les anglophones 

-          Les troubles du développement du langage distinguent 6 syndromes (phonologie, syntaxe, sémantique etc …)

1.3    Dysphasie développementale pour l’approche francophone

-          Dysphasie : (trouble du langage spécifique) elle se définit par l’existence d’un déficit durable des performances verbales, significatif en regard des normes établies pour l’âge (pas lié à un déficit durable auditif, insuffisance intellectuelle, malformation des organes phonatoires etc).

3.       Cas clinique : Steevy, 7 ans
3.1 Eléments de l’histoire de Steevy 
 3.1.1 Eléments biographiques
-          Classe de CP
-          S et ses parents ont été orientés vers le centre référent du langage par l’orthophoniste
-          Suspicion de dysphasie
-          Aîné d’une fratrie de 3 enfants
-          Bébé souvent agité, qui se calmait qu’au moment du sommeil
-          Marché à 10 mois
-          Propreté diurne et nocturne à été acquise au cours de la 2ième année
-          Otites à répétition
-          Opération des amygdales à l’âge de deux ans
-          Audition normale et examen ORL satisfaisant

3.1.2 Histoire des troubles
-          Premiers mots prononcés vers 9 mois
-          Phrases à 2 ou 3 mots ne sont apparues qu’à 3 ans
-          Au début il parlait vite et qu’il était difficile de le comprendre
-          Gardé par sa grand-mère maternelle, elle lui parlait « bébé »
-          Puis petite section de maternelle à l’âge de deux ans et demi = manifestation d’une angoisse de séparation
-          Troubles du langage ils ont été rapidement pointés par la maîtresse qui trouvait que Steevy parlait comme un bébé et n’articulait pas bien
-          Moyenne section : évaluation orthophonique car S ne faisait toujours pas de phrases, seulement des associations de 2 mots, il n’arrivait pas à se faire comprendre par ses camarades, ce qui était source de frustration pour lui
-          Prise en charge ortho à l’âge de 4 ans
-          Puis à 5 ans et demi, intensifiée à 2 séances par semaine
-          Il fait des crises de colère quand il se trouve en difficulté pour s’exprimer ou pour se faire comprendre
-          Au niveau de la compréhension, parfois il répond à côté
-          Pas de troubles du comportement (alimentaires, sommeil, bonne socialisation à l’école)
-          Difficulté à se séparer de sa mère

3.2 Centre référent du langage
-          rencontre avec une psychologue clinicienne pour reprendre l’histoire des troubles du langage et plus globalement l’histoire de Steevy au sein de sa famille élargie
-          orthophoniste = bilan ortho avec l’exploration du langage oral et d’autre part le langage écrit
-          conclusions du bilan : retard de parole et de langage important, avec atteinte de toute les modalités (phonologique, lexicales …) + difficultés de mémoire auditive immédiate et de mémoire de travail sont relevées.
-          Ecrit : acquisitions fragiles et émaillées de confusions visuelles et/ ou auditive
-          Résultats et observations : hypothèse d’une dysphasie de type phonologique syntaxique (répercussions directes sur les apprentissages fondamentaux du langage écrit)
-          Prise en charge orthophonique est à poursuivre
-          Proposition d’un examen psychologique complet (épreuves intellectuelles et épreuves de personnalité) + restitution avec S et ses parents.
3.3 L’examen psychologique
3.3.1 Rencontre
-          S est accompagné par sa mère et sa tante maternelle du premier RDV
-          Puis la mère l’accompagnera seule
-          Le père présent que le jour de la restitution de l’examen psychologique
-          Il est souriant, mais un peu inhibé
-          Accepte facilement de rester avec la psy
-          Aisance relationnelle grandissante au fil des entretiens

3.3.2 K-ABC (fonctionnement intellectuel de l’enfant face à des épreuves nouvelles dégagées des apprentissages culturels et scolaires ; niveau d’acquisition)
Résultats : S possède de bonnes compétences intellectuelles pour les épreuves où le verbal n’est pas sollicité et dans ce cadre il s’inscrit dans la norme des enfants de son âge. Les difficultés apparaissent lorsqu’il doit répondre verbalement
3.3.3 Epreuves projectives 
- exploration du fonctionnement psychique / apporte un éclairage spécifique et complémentaire
3.3.4 Rorschach
1)       registre destructeur (caser, tuer)
2)       registre de l’oral destructeur (veut manger des gens)
3)       registre de l’étayage (portent une personne)
4)       registre de la transformation (transforme)

3.3.8 Steevy face à l’épreuve du CAT
-          ancrage dans la réalité est possible mais transitoire
-          récits associatifs où les peurs d’être abandonné et/ou attaqué viennent le déborder
-          lorsque le couple parental est mis en scène il y a souvent en meurtre
-          L’extérieur est vécu comme menaçant

3.3.9 Steevy face à l’épreuve du Scéno test
-          Épreuve de jeu constituée d’une mallette avec des figures humaines différenciées en genre et en génération, des figurines para-humaines (ange, nain), des figurines animales, des objets évoquant la nature etc … L’enfant est invité à jouer, à construire une scène en choisissant des objets disponibles dans la mallette.
-          Conclusion : S témoigne d’un manque de souplesse, d’une tendance à la répétition / le pulsionnel tend à déborder et les figurines peuvent parfois sembler interchangeables, révélant l’instabilité » identitaire.

3.3.10- Synthèse des protocoles projectifs de Steevy
-          Alternation entre moments de désorganisation et moments de réorganisation
-          Fragilité de l’ancrage dans la réalité
-          Angoisse d’anéantissement
-          Angoisse d’abandon
-          Dimension mortifères
-          Thématiques d’abandon et de persécution
-          Registre pulsionnel agressif
-          Axe identitaire fragile (limite instable, transformation)
-          Menace de rupture avec le réel
-          => caractéristiques évoquant la psychose mais capacités d’adaptation et de contrôle
-          => la dysphasie fait partie de la dysharmonie psychotique

3.3.11-     Projet de soin 
-          Dysphasie + souffrance psychique liée à son organisation de personnalité
-          En complément de la prise en charge orthophonique => travail psychothérapeutique (entretiens familiaux avec les parents de S et entretien avec lui).
4. Discussion
4.1 La dysphasie de l’enfant dans une perspective psychodynamique
-          Considérer le développement du langage en lien avec le développement psychoaffectif de l’enfant en interaction avec son environnement
-          Des travaux qui tendent aujourd’hui à reconnaitre de plus en plus le rôle de l’environnement et des interactions de communication avec l’entourage
-          Mais il persiste aujourd’hui l’idée que la dysphasie est un trouble instrumental qui doit être rééduqué.
-          Il faut explorer le sujet de façon globale, notamment par l’exploration du fonctionnement de la personnalité (modifie le projet de soin)
4.4 Perspectives thérapeutiques
-          Prise en charge de l’enfant dysphasique ne se limite pas à la fonction instrumentale car il importe que ce qu’il éprouve intérieurement puisse trouver une mise en sens
-          Dupuis Gauthier (2006) pointe l’inefficacité de la prise en charge des enfants dysphasiques lorsque leur trouble est appréhendé uniquement sur le versant instrumental / la rééducation orthophonique à elle seule ne suffit pas / Les orthophonistes eux-mêmes font le constat qu’il y a absence ou faiblesse de l’évolution du langage de l’enfant
-          Les résultats sont bien souvent décevants s’ils ne sont pas accompagnés voire précédés d’un traitement des troubles de la personnalité des enfants dysphasiques.
-          Il faut une prise en charge psychothérapeutique, dont le but est de permettre la levée des obstacles psychiques
-          Ce n’est que lorsque l’enfant manifestera un intérêt pour la communication et le langage que l’orthophonie pourra prendre une place => efficacité beaucoup plus grande
-          En développant le jeu, le thérapeute accompagne le passage de la chose, à la représentation de chose, puis de la représentation de chose à la représentation de mot.
-          + important que les parents soient intégrés au projet de soin en regard de l’importance des interactions familiales (entretiens classiques…)
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v  CHAPITRE 3 : troubles dyslexiques :
2. Historique, définition, classifications de la dyslexie
2.2 Définition de la dyslexie et origine supposée
-          Dyslexie (1968) : troubles de l’apprentissage de la lecture, survenant en dépit d’une intelligence normale, de l’absence de troubles sensoriels ou neurologique, d’une instruction scolaire adéquate, d’opportunités socioculturelles suffisantes.
-          Dyslexie (rapport INSERM 2007) : la dyslexie, la dysorthographie et la dyscalculie sont des troubles spécifiques des apprentissages scolaires dont l’origine est reconnue comme neurodéveloppementale / ils ne proviennent pas d’une déficience avérée qu’elle soit sensorielle, motrice ou mentale, d’un traumatisme ou d’un trouble envahissant du développement.
-          Exclusion des origines culturelles, sociales, économiques, pédagogiques ou psychologiques, mais cela ne signifie pas pour autant que ces facteurs ne jouent pas un rôle.
-          L’incidence familiale de la dyslexie est notée et mise en avant à partir d’enquêtes généalogiques et d’études sur les jumeaux (70 % de concordance chez les monozygotes, contre 43% chez les dizygotes) = cela suppose une contribution de l’environnement et des gènes
2.5 Troubles émotionnels
-          Les enfants dyslexiques souffrent aussi fréquemment de troubles comportementaux ou émotionnels (hyperactivité, déficit de l’attention), renvoyant ainsi au domaine de la psychopathologie
-          Toutefois il est difficile de faire des liens de causalité

3. Regard clinique sur les troubles dyslexiques
3.2 Approche psychopathologique succincte de la dyslexie
-          Études ont été faites révélant que les enfants dyslexiques sont pris dans des « perturbations évolutives complexes, principalement dans des pathologies limites de l’enfance ».
-          Organisations limites : défaillances du narcissisme et de l’autoérotisme, par les défauts d’élaboration des angoisses dépressives et de séparation, dépendance etc…
-          Lien possible entre une « forme singulière de dépendance et la dyslexie
-          Ces enfants sont décrits comme recherchant le contact, dépendant du regard de l’adulte + problématique de séparation (ce qui se retrouve dans les épreuves projectives)
-          Pour Jumel, la Dyslexie ne serait pas associée à un manque d’attention et de concentration, mais au contraire à un « trop » en lien avec des angoisses de séparation.
-          Donc intérêt de mener un examen psychologique complet et pas seulement une évaluation du niveau intellectuel de l’enfant dyslexique
4.Illustration clinique
-          Alice, 10 ans et 6 mois
-          Scolarisée dans une unité spécialisée pour enfants dyslexiques
-          Redoublement du CE1 préconisé
-          Petite enfance sans problème
-          Déménagement très mal vécu en moyenne section, Alice reste mutique pendant 6 mois
-          Rupture douloureuse avec la nourrice
-          Les parents ont des activités pro avec des horaires variables et Alice dira qu’elle ne sait jamais quand sa maman travaille
-          Alice est très fusionnelle de son frère
-          Petite fille avec beaucoup d’empathie, de douceur,
-          La mère évoque aussi ses propres difficultés en orthographe réglée par sa mère qui lui dictera des livres entiers toute sa scolarité
4.1 Motif de la demande et du bilan
-          En CE1 : elle commence à entrer dans la lecture mais les résultats restent en deçà du niveau attendu en fin de CE1
-          Importantes difficultés en lecture, écriture et calcul
-          Suivi 2 fois par semaine par une orthophoniste
4.2 Comportement au cours du bilan
-          Coopérante, d’un bon contact, même si un peu en retrait, concentrée, peu expressive, posture peu tonique, ne montre aucune opposition aux tests
4.3 Bilan intellectuel WISC-IV
-          Difficultés dans la capacité à accéder aux processus de symbolisation nécessaires pour l’apprentissage de la lecture
-          Difficultés dans les tâches réclamant une autonomie de la pensée
-          Elle montre un désir de bien faire et de bonnes capacités de concentration
-          Précipitation à répondre montre toutefois l’angoisse par rapport au vide, la pensée s’y trouvant comme paralysée
-          L’immédiateté de la perception et des réponses ne laisse pas place au sens, trop angoissant qui risque de déclencher des affects trop violents du côté de la perte
-          Elle semble avoir trouvé un compromis illusoire certaines celui ne pas accéder au sens pour ne pas savoir et ne pas perdre la dépendance infantile
4.4 Les dessins : dessin de famille, dessin après TAT, figure de Rey
4.5 Épreuves projectives (TAT et Rorschach)
5. Discussion
-          Fonctionnement psychique d’Alice : registre névrotique teinté d’une tonalité phobique importante et d’une palette défensive variée
-          Refoulement, évitement qui renvoie ici au registre phobique
-          Angoisse prévalente : angoisse de castration, angoisse de perte qui sous-tend principalement les fonctionnements de type limite
-          Angoisse de séparation : absence
-          Insistance sur le regard (ils regardent …) : importance de la relation entre deux personnages / regarder peut renvoyer au registre de la maitrise et de l’emprise (voir et être vu par l’autre), mais aussi de l’évitement ou de la perte (perte de vue)
-          Considérer que le trouble dyslexique participe d’un aménagement singulier de l’organisation de la personnalité permet d’envisager « le traitement »
-          Troubles névrotiques avec perturbations prédominantes des fonctions instrumentales

4.1    Propositions thérapeutiques

-          Proposition de prise en charge thérapeutique en petit groupe de type psychodrame (compte tenu du goût d’Alice pour la mise en scène et de la nécessité pour elle se familiariser avec la différence et l’imprévisible).
-          Par ailleurs le risque dépressif n’est pas à écarter avec l’abandon d’un cadre rassurant dans lequel elle a pu apprendre (il serait peut-être nécessaire, d’y adjoindre un travail individuel en thérapie psychanalytique, tout en maintenant le travail rééducatif).

5.       Conclusion
-          Le cas d’Alice ne signifie en rien que tous les enfants dyslexiques soient soumis aux mêmes processus
-          Il ne faut pas évacuer la dimension intrapsychique et centrer son approche qu’en termes de fonction déficitaire impliquant une seule rééducation, car ça peut parfois renforcer des défenses invalidantes et fragilisantes.
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v  CHAPITRE 4 : troubles dyspraxiques 

1.       Introduction

-          La dyspraxie est le handicap caché ou le syndrome de l’enfant maladroit. Elle affecte chaque enfant de manière différente, selon qu’il ait des troubles associés ou non. L’enfant conçoit bien des gestes mais il n’arrive pas à les organiser ni à les réaliser de façon harmonieuse. Il montre une grande maladresse et toutes ses réalisations motrices ou graphiques sont médiocres, informes ou brouillonnes.
-          Dyspraxie : renvoient à des dysharmonies cognitives (développement disparate des modes de raisonnement)
-          Les processus cognitifs de ces enfants se développent autrement
-          Ce sont habituellement des enfants calmes, respectueux des règles, bien socialisés, bons élèves dans le domaine du langage parlé et de la littérature et très mauvais en mathématiques
-          Les sujets dyspraxiques ne présentent pas toujours des troubles de la personnalité et une rééducation psychomotrice peut suffire
-          Mais parfois la dyspraxie peut perturber sévèrement l’organisation de la personnalité (recommandation de psychothérapie)
4.7 Psychopathologie
-          Dyspraxie peut être une caractéristique personnelle qui n’entrave aucunement le fonctionnement psychique
-          Mais elle peut aussi cacher un trouble de personnalité (arbre qui cache la forêt)
-          Gibello (2006) dit que la dyspraxie est pratiquement une constante dans les psychoses, les autismes et les états limites. Il soutient le constat clinique selon lequel on retrouve ces trois types de pathologies ou bien aucune anomalie, mais jamais d’organisation névrotique.

5. Étude de cas 

-          Hugo âgé de 16 ans et 3 mois
-          Scolarisé en 3ième dans un EREA
-          Rencontré dans le cadre d’une recherche universitaire sur les troubles dysharmoniques
-          Dyspraxie diagnostiquée par un neuropédiatre et un neuropsychologue
-          Phobie scolaire en 6ième
-          Troubles du sommeil
-          Sœur de 12 ans diagnostiquée autiste Asperger
-          Il ne croise jamais le regard
-          Evoquer d’emblée ses difficultés scolaires en lien avec la dyspraxie
-          Il se décrit comme timide, il évoque son manque de souplesse physique
-          Relations avec les parents complexes
-          Adolescent solitaire
-          Lit beaucoup et joue avec des jeux vidéos
-          Il a présenté des épisodes dépressifs
-          Tendance à la phobie sociale

5.1    Le WISC-IV
5.2     La figure de Rey
5.3    Le Rorschach
5.4    Le TAT
5.5    Synthèse du bilan

-          Investissement narcissique de soi et de l’ordre du retrait, de repli (on n’invite pas des fauteuils roulants)
-          Hugo s’identifie aux aspects les plus rigides et les plus sévères d’un père exigeant
-          Il n’a pas pu explorer le monde, ni son propre corps
-          Identité est construite sur le retrait (on peut comprendre la phobie scolaire apparue à l’entrée du collège)
-          Plutôt sur une organisation limite (exclusion de la psychose, absence de réponses crues ou anatomiques)
-          A. Freud (1965), elle évoquait le cas d’enfants présentant une intelligence verbale très développée, au détriment de l’autonomie corporelle, du plaisir de jouer et de la socialisation
-          Prise en charge : rééducations ophtalmologiques et orthoptistes
-          Risque de décompensation dépressive et identitaire important, compte tenu de l’absence de toute psychothérapie individuelle qui aurait aidé Hugo à retrouver une sécurité dans la relation et à réinvestir l’objet
-          Une psychothérapie familiale pourrait être proposée (dynamique familiale compliquée)
-          Dans ce contexte, la dyspraxie apparait bien comme l’arbre qui cache la forêt, comme l’expression symptomatique d’un trouble de la relation.