vendredi 25 octobre 2019

Quelques éléments issus du dossier spécial de la revue Sciences Humaines n°318 d'octobre 2019 portant sur les facteurs impliqués dans la réussite scolaire.

L'un des articles, écrit par S. Garcia, professeure en sciences de l'éducation à l'Université de Bourgogne, porte sur le rôle joué par les parents. Dans les années 60, avec Pierre Bourdieu notamment, on évoquait la transmission "par osmose" du capital culturel parental : les enfants des classes moyennes et supérieures vivant dans un "bain culturel", cela les rendrait spontanément disposés à répondre aux exigences scolaires. L'article pointe le fait que si cette explication continue d'être évoquée aujourd’hui, elle ne suffit pas car elle élude tout le travail parental réalisé par certaines familles pour soutenir la scolarité de leurs enfants: "Il existe au sein des foyers tout un travail invisible, interventionniste, souvent tu par les familles elles-mêmes, qui conduit à valider une norme scolaire inaccessible sans travail parental soutenu et régulier." Sur la base d'une enquête réalisée auprès de 60 familles, il ressort que les parents sont bien plus actifs qu'ils ne le disent au premier abord et livrent des pratiques explicitement pédagogiques, par exemple proposer des dictées à son enfant ou encore l'obliger à écrire les mots pour lui permettre de mieux les mémoriser. Ceci est particulièrement observé à certaines étapes stratégiques de la scolarité comme l'entrée au CP ou le CM2, où l'accent est mis sur l'autonomie. Dans les milieux les plus favorisés, l'autonomie est vue comme une compétence à construire et non comme allant de soi. D'autre part, il est observé que les parents des classes moyennes et supérieures ont tendance à exercer une vigilance qui consiste à intervenir sans attendre en cas de difficulté, notamment par le recours à leur réseau. Pour ce qui est des activités extrascolaires, sportives ou artistiques, elles sont réinvesties par ces familles pour devenir le lieu de certains apprentissages : la persévérance, la régularité, la discipline. La réussite scolaire serait donc plutôt le produit d'un travail parental intense, directif et explicite au sein des foyers. Le rôle joué par les parents semble crucial.

Un autre article, écrit par M. Virat, chercheur en psychologie, porte sur le rôle joué par l'enseignant dans la réussite des élèves. De nombreuses recherches ont mis en évidence l'importance du rôle joué par la dimension affective de la relation enseignant-élève et ses effets positifs sur les compétences scolaires, qu'il s'agisse d'élèves du primaire, du secondaire ou d'étudiants dans le supérieur. L'apprentissage requiert une tendance innée à l'exploration. Celle-ci peut être affectée par des obstacles, tel que l'anxiété, ce qui oblige l'élève à réguler sa frustration et à se montrer persévérant. L'exploration n'est pas seulement une processus individuel, elle est influencée par les relations sociales: recevoir de l'attention et du soutien produit un sentiment de sécurité affective qui rend possible l'exploration de l'environnement, c'est la théorie de l'attachement: "Un individu qui se sent soutenu se montre plus enthousiaste et plus curieux face aux apprentissages". Le sentiment de sécurité est particulièrement important lorsque la difficulté de la tâche augmente. Les comportements de soutien de la part des professeurs (attention, encouragements, intérêt pour le point de vue de l'enfant...) sont associés aux manifestations de sécurité affective (détente, spontanéité...), elle-même à son tour reliée à des comportement exploratoires. Les études indiquent que cela se vérifie dans différents contextes et à tous les âges. A l'inverse, en l'absence d'une personne sécurisante, les ressources cognitives de l'enfant sont redéployées vers d'autres objectifs: éviter la tâche, trouver d'autres comportements qui apportent un sentiment de réussite... la capacité attentionnelle n'est alors plus au service des apprentissages. Comment l'enseignant peut-il jouer ce rôle? en se montrant disponible, par des marques d'attention, les encouragements, en se montrant lui-même impliqué affectivement (il a du plaisir à passer du temps avec eux, il est affecté par leurs réussites / échecs, etc). Il s'agit de fournir une base de sécurité par le biais d'une forme d'amour "compassionnel" qui lorsqu’elle est exprimée par les enseignants participe, selon l'auteur, à la réussite des élèves.

Un autre article, écrit par A. Rey et S. Mazza, du centre de recherche en neurosciences de Lyon, souligne l'importance du sommeil pour mieux apprendre. Le sommeil joue en effet un rôle crucial dans les mécanisme d'apprentissage et de mémorisation. De nombreuses études menées dans plusieurs pays, rapportent qu'il existe un lien fort entre sommeil et performances scolaires. La réduction de sommeil, y compris sur une courte durée, peut avoir des effets délétères notamment sur le comportement et les performances scolaires. Il est indiqué qu'"une durée de sommeil inférieure à 10 heures par nuit chez les jeunes enfants multiplie par trois le risque de comportement d'hyperactivité": là où un adulte aura tendance à piquer du nez après une mauvaise nuit, l'enfant aura plutôt tendance à s'exciter. Par ailleurs, des recherches menées à l'Université de Chicago révèlent que "80% des enfants avec de faibles résultats scolaires présentaient une moindre qualité de sommeil". Il existe donc un lien étroit entre sommeil et fonctionnement cognitif: "le manque de sommeil chez l'enfant induit des difficultés de concentration, des difficultés pour contrôler son attention et réguler ses émotions, se traduisant par plus d'impulsivité et moins de résistance à la frustration. Or, toutes ces compétences sont nécessaires aux apprentissages." Il est souligné l'importance d'une bonne hygiène du sommeil, principal facteur qui serait responsable du fait que 30% des enfants d'âge scolaire présentent un sommeil inadéquat. Il s'agit donc de donner dès le plus jeune âge de bonnes habitudes de sommeil (apprendre à s'endormir seul, la mise en place de rituels de coucher tel que les horaires réguliers ou des activités calmes). Il est souligné également le rôle délétère des écrans et les conséquences néfastes de l'exposition prolongée aux écrans le soir, montrées dans 90% des études sur le sujet... Il est donc primordial de faire de la prévention et d'expliquer l'importance du sommeil aux enfants. D'après les auteurs, le sommeil ne doit pas être assimilé à une perte de temps mais belle et bien considéré comme un outil précieux pour augmenter nos performances et celles de nos enfants.

Par Marie R